LIVE NIRVANA INTERVIEW ARCHIVE December 7, 1991 - Rennes, FR
Personnel
- Interviewer(s)
- Hervé Bourit
- Interviewee(s)
- Krist Novoselic
- Dave Grohl
Sources
Publisher | Title | Transcript |
---|---|---|
Rock Hardi | Sub Mode | Yes (Français) |
Transcript
Nirvana en interview dans ROCK HARDI ! On ne se refuse vraiment rien d'autant plus que la coqueluche du moment se livre à quelques réflexions saignantes sur leur succès plutôt fulgurant...
Comment avez-vous ressenti la pression qui pèse sur vous en ce moment ?
Ca a vraiment été une surprise. On était en tournée avant que "Nevermind" ne sorte et on a appris que les 50 000 premiers disques s'étaient vendus en deux jours. Ca nous est tombé dessus sans prévenir. Mais ça n'a rien changé pour nous, sauf qu'il y a plus de monde aux conférences de presse (rires)
Avez-vous l'impression de constituer une menace pour le système en place ?
C'est surtout en tant qu'alternative à ce système que l'on est une menace, mais pas vraiment comme peuvent le déclarer GUNS & ROSES (rires) On a peut-être réussi à ouvrir des portes pour d'autres groupes comme HOLE, URGE OVERKILL ou CAPTAIN AMERICA. Ces groupes ont de très bonnes chansons, ce qui est rare de nos jours, mais ils ont du mal à percer dans les médias. On veut aussi essayer d'ouvrir l'esprit des gens, les rendre peut-être plus conscients. La meilleure arme du gouvernement aux Etats-Unis est l'ignorance. Si grâce à nos chansons les gens arrivent à voir réellement ce qui se passe, peut-être que, par exemple, cela changera leur façon de voter. La situation aux Etats-Unis est sans doute pire qu'ici, il y a beaucoup d'apathie et plutôt que d'aborder un sujet politique précis, on essaie de rendre les gens plus ouverts à ce qui se passe autour d'eux.
On a l'impression que l'underground ricain a abandonné son côté revendicatif comme dans les années soixante. Est-ce d'après vous une bonne chose que de ne s'occuper que de l'aspect culturel ?
Aux Etats-Unis, nous sommes dans une année d'élection et il est impossible d'éviter la politique. Surtout que l'on vit sous le même régime depuis douze ans déjà. C'est vrai que le public écoute les groupes pour savoir ce qu'ils ont à dire mais c'est une génération qui malheureusement n'a pas de porte parole. Dans les années soixante, il y avait des gens comme HORFMAN et THIMOTY LEARY, la musique finalement n'était qu'une toile de fond pour les discours. Il n'y a plus du tout ça aujourd'hui. Mais si on arrive à ouvrir un peu les esprits comme on l'explique dans notre chanson "Smells like teen spirit", peut-être que quelqu'un d'intelligent va émerger et proposer une véritable alternative.
Vous avez par contre une attitude très tranchée comme vos positions anti-macho par rapport à d'autres milieux musicaux comme le rap ou le hard rock ?
C'est vrai que l'on vit dans un monde d'hommes (rires) mais pour moi le machisme est comme le racisme ou le nationalisme. Pour nous c'est une évidence, le sexisme est quelque chose qui tire l'homme en arrière, tout le contraire de notre démarche.
Le fun pour vous c'est autre chose ?
Oui, c'est être avec des potes, filles ou garçons, jouer au foot, boire des coups, aller à la plage et surtout faire de la musique.
Avez-vous toujours des relations avec les autres groupes SUB POP et avec la scène de Seattle ?
Bien sûr ! Ce n'est pas parce que l'on a signé chez GEFFEN que ce ne sont plus nos potes. Contrairement à l'image que les gens s'en font, la scène de Seattle n'est pas une scène énorme. Mais tout le monde se connaît et a joué ensemble. Ce serait idiot de signer sur une major et puis de dire tout à coup "on ne vous connait plus !". Pendant nos dernières tournées américaines et anglaises, des magazines importants sont venus nous voir. On en a eu ras le bol de leurs interviews et nous avons décidé de ne plus parler qu'aux fanzines et au journaux lycéens. A nos débuts en 89, ils étaient les seuls à nous soutenir. Ce serait complète-ment idiot d'oublier tout ça et de tourner le dos au passé.
Que pensez-vous du stage-diving et du mouvement straight-edge ?
Si ça plait à certains de ne pas fumer et de ne pas boire, c'est leur problème. Il y a toujours quelqu'un qui veut être debout sur un piédestal, qui a envie de dire à tout le monde comment dire ou faire ou "c'est moi qui détient la parole sacrée". Eh bien moi j'ai écouté et ça ne m'empêche pas de boire et de fumer. Chacun d'entre nous a un vice (rires) ! Quant aux amateurs de stage-diving, j'ai plutôt l'impression que maintenant c'est surtout pour épater les copains, histoire de dire "Hey, regardez ! Je suis sur scène !". On voit le même mec monter dix fois de suite, se prendre les pieds dans les tables, dérégler les pédales. Ca devient lassant, on a l'impression que ceux qui font ça se foutent de la musique.
Connaissez-vous des groupes, français et anglais ? On a l'impression que vous êtes un peu isolationniste dans vos goûts ?
On en connaît peu en fait. A part LES THUGS qui ont tourné aux Etats-Unis, on a un problème d'accès à l'information car les groupes français ne sont pas distribués chez nous. Quant aux anglais... on nous demande souvent si on connaît MY BLOODY VALENTINE ou RIDE et bien non, on ne les connaît pas ! D'ailleurs, les journalistes anglais essaient de nous ranger dans la catégorie Hard Rock car on a de grosses guitares. Mais le hard rock, le trash, le speed metal, ne nous intéressent pas. Ces genres se mordent la queue, on n'a pas l'intention ni l'impression d'en faire partie. Par contre, pour répondre à ta question, on aime beaucoup certains groupes, tous écossais curieusement, comme les PASTELS, VASELINE ou JAD FAIR. On trouve qu'ils ont une résonnance particulière. Et puis, il y a les BEATLES. Ca c'est le top. Historiquement, il y a eux et puis toutes ces "révélations", Manchester et tout ça... qui ne fait que descendre. Alors pourquoi perdre son temps à essayer de trouver des groupes intéressants (rires) !
© Hervé Bourit, 1992