LIVE NIRVANA INTERVIEW ARCHIVE November 22, 1991 - Paris, FR

Interviewer(s)
Marc Zisman
Interviewee(s)
Kurt Cobain
Dave Grohl
Publisher Title Transcript
Guitare & Claviers TBC TBC (Français)
Guitare & Claviers Nirvana: Chronique D'une Mort Annoncée Yes (Français)
Guitare & Claviers TBC TBC (Français)

TBC

IL A ROULÉ SUR LA BANQUETTE AVEC UN TROU DERRIÈRE LA TETE… OU PLUTÔT I HATE MYSELF AND I WANT TO DIE… DE TOUTE FAÇON, LE RÉSULTAT EST LE MÊME ET KURT DONALD COBAIN S'EST AUTOGOMMÉ. GLOIRE MAXIMUM POUR DÉTRESSE OPTIMALE, L'ÉTIQUETÉ "PAPE GRUNGE" REFERME UNE BONNE FOIS POUR TOUTES LE CHAPITRE PUNK QU'IL AVAIT A LUI (PRESQUE) TOUT SEUL MIS EN SURSIS. NO FUTURE ET POUR DE BON!

Alors, finalement, ça y est. Kurt Cobain a réussi son coup… Canonisé Ian Curtis de la "génération flanelle". Ayant vendu des millions de disques qui, en plus, auront été considerés de son vivant comme d'authentiques chefs-d'oeuvre… Ce qui n'est pas le cas de tout le monde. Des mois entiers à essayer de décrocher de la poudre… Une endurance infernale, digne de Keith Richards. Puis, en fin de compte, un résultat apparent: "J'y suis arrivé. Je suis plus heureux que jamais", etc. Et finalement paf, se tire une balle. Le grunge, c'était déjà pas très drôle, surtout pour ceux qui ont la chance de pouvoir comparer avec le punk originel. Remarquez, à l'époque, on avait déjà eu droit à la phrase terrible, "No future in England's dream", ça vous glacait les sangs. C'était pourtant rien à côté du grunge, Alice In Chains, Soundgarden, tout ça aurait fait passer Napalm Death et les Sisters Of Mercy pour de joyeux drilles. Donc, on était prévenus. Mais là, pardon! Carrément l'échec et mat suprême, le retrait du jeu… Ça laisse pantois. L'époque est triste! Avec le chômage, la dope et le sida, si maintenant les rockers se tuent, même quand ils ont du succès, y'a pas de quoi pavoiser, franchement… A croire que c'est le guitariste des Germs qui porte la poisse. A l'époque, le leader de ce groupe hardcore mythique, Darby Crash, d'ailleurs idolâtré par Cobain et sa clique, s'injecte volontairement l'O.D. ultime. On ne parle pas assez de lui, dit-il. Pas de chance, le même jour, Lennon se fait assassiner. Maintenant, le Pat Smear déboule chez Nirvana, et revoilà-t-y pas que Kurt Cobain fait la même chose, en plus explosif encore! Y'a de quoi se sentir dangereux. C'est le guitariste maudit! La scoumoune ultime. La baraka, connaît pas. Les auditions vont être ardues. Faudra peut-être voir du côté des groupes death metal scandinaves… Alors, c'est quoi ces conneries? "Le succès m'a tuer"? C'est presque ce que nous déclaraient les glaudes de Soundgarden il y a quelques semaines: "On connaît les mecs de Nirvana depuis tellement longtemps maintenant… Rien ne nous aurait permis de penser qu'ils auraient un, succès pareil. Eux-mêmes ne l'auraient jamais imaginé. Aujourd'hui, ils ont du mal à faire face…" Parce qu'il faut bien dire que dans les tribus grunge du Nord de l'état de Washington, le succès, ce n'est pas une obsession. Ici, on n'a pas affaire à des groupes de, heu, metal par exemple. Pas de vidéos avec des gros têtons. Pas de perruques peroxydées ni de Harley. Pas de murs de Marshall, pas de serpents, pas d'attitude. Bref, pas de cirque. Pas de plan de carrière. Et quand ils ont explosé, quand on a vu en France Nirvana au sommet des charts, ça a fait bizarre. C'était même franchement agréable. Un peu comme si on avait eu les Pistols chez Chancel à l'époque. Mais notre impression par rapport à la leur ne devait pas vraiment avoir la même ampleur. Passer d'une cabane à Seattle au Warwick de Paris, ça ne doit pas être évident. D'un petit label de potes (Sub Pop) à l'une des plus grosses majors (Geffen), de la MJC d'Issy-les-Moulineaux au Zénith, du fanzine du coin à la Une de Rolling Stone, avec des sociologues qui décortiquent votre "message"… Pfff. Sûr qu' Axl Rose, le biffin, s'en sort jouasse, quoique un peu bizarre tout de même, faut avouer. Mais Kurt Cobain, et sa tronche pleine d'acné, ses trente-huit kilos tout mouillé et ses baskets à dix sacs… Enfin, on ne va pas psychoter, d'autant que d'autres vont s'en charger fissa; mais ça fait drôle. Sans explorer la généalogie du groupe, les influences évidentes, Hüsker Dü, les Germs, les Replacements pour la hargne et le désespoir adulte d'un Paul Westerberg suicidaire hurlant Unsatisfied avec dans la voix toute la mort que contenait plus tard Cobain quand il se déchirait en beuglant "What's wrong with me?", Black Sabbath, Led Zep, Kiss, Gang Of Four, les Beatles, les Melvins, les Raincoats, R.E.M., les Stooges, les Pixies ("Nous étions tellement influencés par les Pixies que c'en était ridicule. On leur prenait tout. Le dynamisme, les accords, les tics de composition, cette façon de jouer doucement puis très fort. En fait, j'aurais dû faire un. groupe de reprises des Pixies. Ça m'aurait suffit." Kurt Cobain in Rolling Stone), on peut remonter à la sortie de "Nevermind" (par ailleurs un titre mythique des Replacements), l'album qui a tout changé. Smells Like Teen Spirit matraqué partout, de MTV au Mammouth du coin, le million d'albums vendu rapidement aux States, le terme "grunge" qui pointe son nez, le "no look", la "génération x", les "flanel shirts", etc. C'est allé si vite qu'on en était presque agacés. "Nevermind" sonnait tellement comme les Pixies et Hüsker Dü sous Tranxène, on ne comprenait pas trop l'engouement. A la deuxième écoute, on réalisait finalement un peu mieux: sur ce disque, il y avait des chansons. Des vraies. Et des trucs bien mieux que le riff balourd de Smells Like… En plus, on avait droit à une vraie pochette. Du grand art comme on n'en avait vu depuis "New Day Rising", "Funhouse" ou "Pleased To Meet Me" (suffisait même d'entendre plus tard en version acoustique, lors de leur passage "Unplugged" sur MTV, la plupart des compos de "Nevermind" et d"'In Utero" pour goûter leur puissance profonde; un comble pour un trio destiné à faire dans le "sonisme"!) Finalement, c'était au poil. Et même si certains titres présentaient les mêmes tics, de toute façon, ça n'était que leur second album. Et c'était tout de même assez génial que des millions de péquins écoutent ça plutôt que Bon Jovi, Def Leppard ou Mötley Crüe. C'est à ce moment-là qu'on les a rencontrés. En plein boom. Crevés, éreintés par une tournée marathon. Cobain, on l'apprendra plus tard, était en plein dans la poudre, le scandale Courtney Love (qui se shootait pendant sa grossesse) n'a pas encore pointé le bout de son nez. Au bar de l'hôtel, Dave Grohl dort pelotonné dans un anorak crasseux, il se réveillera durant l'interview pour se réveler être l'espèce de Ringo Starr du groupe. Souriant, déconnant. Cobain est cadavérique, se roule clope sur clope, aimable, extrêmement gentil, mais visiblement ailleurs. Ça nous amuse. Pas très glam, tout ça. A l'époque, Guitare & Claviers (n° 126) n'avait passé qu'une partie de l'interview. Étant donné que la sortie de "Nevermind" fut un tournant dans la carrière du groupe, il ne nous a pas semblé idiot de la ressortir, intégralement cette fois. Sans faire du Frédéric Mitterrand, en réécoutant la bande, c'est assez dur à ingurgiter. La voix tremblante qui sort du casque. La cassette avec le petit mot: "Interview Nirvana, 22/11/91". Ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas rendus compte que les stars étaient aussi des bipèdes. Se tirer une balle à vingt-sept ans, même pas l'âge du Christ, mais celui qu'avait Brian Jones quand il se fit le "Grand Bleu" en solo, tout de même… On ne va pas dire que ça impose le respect, ni réveiller les spectres de Drieu, Crevel ou Mishima, ou encore affirmer que certains font les choses jusqu'au bout, mais ça fait réfléchir. Jusqu'où faut-il aller pour en arriver là? Jusqu'à vouloir intituler son dernier album "I Hate Myself And I Want To Die"?

Et toute cette armada de Cobain Jr. qui n'a cessé de grandir… Le Washington Post a carrément titré "le suicide parlant à une génération." On n'est pas vraiment dans la division de ces fans de Judas Priest qui tapissèrent de pruneaux leur mâchoire, sous prétexte que les paroles inversées de leurs idoles leur ordonnaient d'appuyer sur la gâchette. Non, ici on n'ose pas vraiment sourire. Surtout, on n'y arrive pas. Comment les hordes de fans de Nirvana boiront le geste de Cobain? Cobain qui, quelques semaines plus tôt, face aux caméras de M6, voyait son très lointain futur en "vieux songwriter incrusté dans un rocking-chair, guitare acoustique en main… Comme Leadbelly. Ou comme Johnny Cash…" Lui qui chantait Don't Take Your Guns To Town…

Où en êtes-vous dans la tournée?

Kurt Cobain: On tourne pendant une semaine. Puis on a une semaine off avant de remettre ça pendant une semaine avec les Red Hot Chili Peppers. Trois semaines off, puis la tournée du Japon et de l'Australie. La tournée sera finie à la fin de l'année.

Vous n'en avez pas marre? La promo, les concerts?

Si jamais c'est trop, on peut toujours arrêter. "On veut rentrer chez nous."

Et le stress dû au succès, le fait d'avoir vendu tant d'albums en si peu de temps doit faire peser sur vos épaules une pression considérable…

Vous savez, ça n'est pas notre but. Continuer à vendre des disques… Ce qu'on veut, c'est continuer à nous amuser et à nous apprécier les uns les autres. On espère pouvoir encore écrire de la bonne musique avant que ça nous tape sur les nerfs. Si le moindre truc menace cet équilibre, on arrête immédiatement. En tout cas, c'est mon avis. On peut également arrêter le groupe un certain temps. Cette option est heureusement envisageable.

Vous vous attendiez à ce que ce succès soit aussi massif et aussi immédiat?

Absolument pas. Il faudrait vraiment que je sois très prétentieux pour vous dire que je prévoyais ça. Je me rappelle m'être baladé dans le bureau de notre avocat et d'avoir vu au mur un disque d'or de Poison. Je me souviens très bien m'être dit: "Il n'y a absolument, mais alors absolument aucune chance, et aucune raison, qu'un groupe comme le nôtre puisse avoir du succès dans le mainstream." Ça a été plus qu'une surprise…

Vous avez été effrayé par ce succès?

Je ne suis pas "effrayé" par ça. C'est juste que… j'ai peur - en ce qui me concerne - que ce succès puisse faire en sorte que toute cette entreprise ne soit plus drôle. Que ça devienne impersonnel. En ce moment, on prend encore du plaisir. Mais qui sait?

En ce moment, tout le monde parle de groupes comme Nirvana ou Dinosaur Jr., mais il y a encore deux ans, ça n'était que Manchester et scène "baggy"…

En fait, il y a deux ans, nous avions déjà énormément d'articles nous concernant dans la presse anglaise. On dirait qu'ils essaient vraiment de découvrir sans arrêt de la nouvelle bonne musique. Je ne sais pas. Je ne connais pas très bien ces journaux. Je ne les lis que depuis qu'on a commencé le groupe. Chaque fois qu'on se pointe là-bas, on fait une couverture sur nous. Donc, je n'ai pas vraiment vu un changement drastique. Vous avez du feu, s'il vous plaît?

On vous compare systématiquement à Hüsker Dü. C'est une insulte, un compliment, ou ça vous agace, tout simplement?

Comment pourrais-je prendre ça pour une insulte? Au contraire, c'est extrêmement flatteur d'être comparé à Hüsker Dü. C'était un groupe fantastique.

Ont-ils été l'un des groupes qui vous ont donné envie de faire de la musique?

Je ne peux pas vraiment dire ça. Parce que, même si j'ai toujours été un fan du groupe, dans le même temps, je faisais déjà ce genre de musique avant même d'avoir entendu le moindre morceau d'Hüsker Dü. C'est évident que nous sonnons comme eux. Mais nous sommes un groupe où les guitares sont prédominantes, un trio, et nous utilisons énormément de distorsion, tout en gardant de vraies mélodies. Donc… (Il prend une voix extrêmement polie, NDR.) Ça vous dérangerait si on posait le briquet ici, parce que ma cigarette s'éteint sans cesse?

Le point commun entre le groupe de Bob Mould et vous était peut-être la colère omniprésente…

Bien sûr. Nous faisons du punk-rock. C'est une histoire de frustrations. Heureusement, il y a un public pour ça.

En Europe, on a vu depuis Hüsker Dü de nombreux groupes, tous différents mais finalement assez similaires, de Band Of Susans ou Sonic Youth jusqu'à Nirvana, en passant par les Throwing Muses, les Pixies, Mudhoney ou Dinosaur Jr. Ici, on a un peu tendance à vous mettre dans le même sac: le rock indé américain. Avez-vous l'impression de faire partie d'une même famille?

Bien sûr. Nous avons tous un truc en commun: l'amour de l'underground. Je ne sais pas vraiment, parce que je ne peux pas parler pour les autres, mais je vois les mêmes intérêts. J'ai énormément de respect pour les groupes que vous venez de citer. Il y a définitivement un sens de la communauté.

Ça a été difficile pour vous de signer sur une major?

Absolument. C'est une décision effrayante… J'avais vu des groupes indés partis sur des majors se retrouver dans des situations épouvantables. Je crois qu'on a choisi le bon. Notre premier souci était d'employer un excellent avocat qui puisse nous négocier un bon contrat nous permettant de continuer à faire ce qu'on veut. Nous avons également la chance de savoir exactement ce qu'on veut. Ça peut sonner très bizness, mais ce sont des choses que vous devez faire si vous vous retrouvez dans une situation où vous avez affaire à des gens dont le seul but est de vendre des disques. Notre avocat a fait un excellent travail. Nous avons une liberté artistique à 100 %. Nous avons le droit de décider de la durée de nos tournées, ainsi que des gens qui tournent avec nous, des interviews que nous donnons, des chansons que nous enregistrons, la façon dont elles sont enregistrées et les gens avec qui nous les enregistrons, ainsi que les pochettes de nos disques. Liberté artistique totale.

J. Mascis de Dinosaur Jr., lorsque nous lui avons demandé s'il avait l'impression d'avoir vendu son âme au diable lorsqu'il a quitté SST pour Blanco Y Negro (donc Warner), nous a répondu qu'il avait plutôt l'impression d'avoir réussi à échapper au diable!

Il existe un bon nombre de labels indépendants complètement nuls, qui n'ont absolument aucune idée de la façon dont on gère un bizness. Que vous le croyiez ou non. c'est un bizness. Les gens doivent le comprendre. Comprendre qu'il faut payer les groupes. D'après ce que J. m'a dit, SST n'a jamais payé Dinosaur Jr. Au moins, sur une major, vous êtes garantis d'être payés ce qui était convenu. Nous, on a de la chance, parce que Geffen a compris comment envisager notre promotion. Ce qui est assez inhabituel pour une major dans la mesure où ils sont plus habitués à promouvoir Paula Abdul ou Vanilla Ice.

Ça représente quelque chose pour vous le fait de venir de Seattle. Avez-vous l'impression qu'il y existe une identité musicale?

Pas vraiment, vu que je n'y ai jamais réellement habité. Je suis toujours resté entre cinquante et cent cinquante kilomètres aux environs. Mais je suis très fier d'avoir été sur le même label que Tad et Mudhoney. C'est pas vraiment honteux, même si certaines personnes pensent que nous devrions en avoir honte. Il y a eu une telle hype à propos de Sub Pop et la scène de Seattle. On dirait que le label a été plus important que les groupes. Ce qui est faux. Sub Pop n'a pas eu grand-chose à voir avec la façon dont les groupes se sont fait remarquer, ou même leur direction artistique.

On dirait aujourd'hui que les derniers musiciens à posséder une véritable énergie sont Américains, et qu'ils viennent soit de la scène que nous venons de mentionner, soit de la scène rap. La situation politique, économique et sociale y est peut-être pour quelque chose?

C'est sûr. Mais en tournant en Europe, on s'est rendus compte qu'il y a autant de gouvernements pourris ici qu'aux États-Unis. Il y a même des endroits où la corruption est encore pire que chez nous. Je crois que le rejet est massif. Il y a autant de groupes en colère en Europe qu'aux USA.

Vous écoutez des genres de musique différents, comme le jazz, le classique ou la musique traditionnelle?

Il y a différentes formes de musique qui m'inspirent le respect, que j'aime. Mais je ne peux pas prétendre honnêtement que je suis dedans. J'aime le reggae, mais je n'ai pas un seul disque de reggae. C'est pareil pour le classique. En ce qui concerne le jazz, ça me tape sur les nerfs. Je n'ai pas la patience pour ça. Les gens qui s'excitent sur leurs instruments… Mais sinon, j'adore le folk, la country et le blues. Des trucs complètement différents. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, je ne suis pas bloqué dans la fuzz et la distorsion. J'adore les Half Japanese, Young Marble Giants, les Raincoats. Des groupes qui ne sont pas considérés comme punks parce qu'ils sont ni violents, ni agressifs. Même si, pour moi, ils sont finalement plus punks que les plus bruyants.

Comment avez-vous eu l'idée de cette pochette aussi géniale?

Dave et moi étions dans notre appartement et nous regardions un documentaire à la télé sur les bébés qui naissent dans l'eau. L'image était bien. Mais le billet encore mieux.

Votre amour de la guitare vous a-t-il transformé en "guitar addict"?

Pas vraiment. Il y ajuste certaines guitares que j'aime plus que d'autres. J'adore vraiment les Mustang Fender, mais elles sont assez dures à trouver puisqu'on ne les fabrique plus (c'est désormais faux, voir le banc d'essai dans ce même numéro, NDR). En fait, j'aime presque toutes les Fender. J'aime leur confort, leur petit manche, leur style, leur classe. Mais je ne les collectionne pas. J'en ai juste assez au cas où je devrais en casser une. Bref, j'utilise essentiellement une Mustang ou une Strat. Avec une distorsion Roland DS1 et une Electro Harmonix. Souvent, je modifie mes guitares et j'y mets un micro double-bobinage en aigu.

Ça vous fait quelle impression de voir que des gens beaucoup plus âgés, comme Iggy ou Neil Young, vous adorent ou sont tout simplement influencés par vous?

Ça me flatte. J'ai plus de respect pour Iggy Pop que pour qui que ce soit dans ce milieu. Il est là depuis si longtemps. Il a réinventé la passion dans le rock and roll. Les albums des Stooges sont hallucinants. Pour moi, ce sont des trésors. Et ça n'est pas parce qu'il a vieilli qu'il a perdu quoique ce soit (sourire).

Et Neil Young, qui est peut-être l'artiste le plus âgé à être régulièrement cité par les groupes les plus jeunes…

J'ai énormément de respect pour lui, même si je ne pense pas être un vrai fan. Mais je l'aime beaucoup, ne serait-ce que parce qu'il n'a jamais fait aucun compromis, que son style a sans cesse évolué, pour finalement arriver à un son encore plus cru que celui qu'il avait à ses débuts. Sa carrière m'inspire.

Aux États-Unis, comme ailleurs, le succès des groupes de metal, comme Guns N' Roses ou Metallica, est carrément stupéfiant. Qu'en pensez-vous?

Ils devraient être pendus par les couilles. Ils devraient être castrés.

A les entendre, on dirait que c'est déjà fait…

C'est ça (rires). Ils devraient se faire injecter du silicone dans la poitrine et aller chanter dans des clubs porno au Japon tenus par la mafia locale! (Rires.)

II y a eu des incidents avec les Guns. C'est le groupe que vous détestez le plus?

Je ne les déteste plus. En tout cas pas plus que ceux qui leur ressemblent. La seule raison pour laquelle je pourrais les détester, c'est leur espèce d'attitude sexiste. En ce qui concerne la musique, je n'en ai rien à foutre. Je n'y pense même pas. Ils sont à peine mieux que Paula Abdul.

(Grohl se réveille.) Vous avez bien dormi?

Dave Grohl: Putain, oui!

Comme Mötörhead ou Hüsker Dü, vous êtes un trio. Pensez-vous que c'est le line-up parfait?

K.C.: Pas forcément. Ce genre de considération ne me touche pas. Un groupe pourrait être bon même s'il comptait cent musiciens.

Vous aimeriez avoir un second guitariste?

K.C.: Peut-être un jour. pour les albums à venir. Nous en avons déjà eu un pendant un moment. Mais en fait, on s'est rendus compte qu'il n'aimait pas la même musique que nous. contrairement à ce qu'il nous avait affirmé quand il avait voulu rentrer dans le groupe.

D.G.: Je crois que le trio nous convient assez bien parce que nous avons tous les trois une conception assez minimaliste de la musique.

K.C.: Chris et David aiment exactement la même musique. Et voient les choses de la même façon. C'est très important de jouer avec des gens qui pensent comme vous, avec qui vous pouvez être amis. En fait, ça devrait être la première condition.

Certaines personnes pensent le contraire, et prétendent qu'il est nécéssaire de confronter plusieurs personnalités, plusieurs goûts, que ça peut produire une alchimie unique.

K.C.: Je pense que ces groupes n'ont pas d'identité. On a du mal à les reconnaître. J'ai du mal à imaginer un pareil groupe.

D.G.: Les Beatles! Les Stones! Les Who!

K.C.: Peut-être, mais les Stones, les Who et les Beatles aimaient tous le R&B! (Rires.)

D.G.: En supposant qu'on trouve un groupe où les gens sont vraiment différents…

K.C.: Ça ne peut pas marcher.

D.G.: Nous n'avons jamais aucune engueulade en ce qui concerne la musique. On n'en parle même pas. On en fait.

Vous êtes surpris parfois par la musique que vous avez faite?

D.G.: Parfois.

K.C.: On est surpris d'avoir fait ca sans la moindre engueulade. On voit tellement de groupes qui se prennent le chou. C'est une telle perte de temps.

Vous vous considérez comme productifs?

K.C.: On n'écrit pas tant de chansons que ça. On peut composer trois chansons assez rapidement, mais il se passera six mois avant d'en pondre une autre (sourire). La plupart du temps, c'est parce que nous sommes en tournée.

En 94, on revoit Nirvana en concert à Houston, Texas, dans un genre de Zénith local. L'ambiance est sordide. Le mannequin d'"In Utero", la femme angélique écorchée et l'arbre nu projettent leur ombre sinistre sur le fond de la salle. Le groupe déboule, après les Breeders et Shonen Knife. L'humeur est maussade. Kurt Cobain et Pat Smear - d'ailleurs inaudible - jouent sur des amplis Marshall minuscules comme des jouets. Cobain ne dit pas un mot tandis que la foule de gamins âgés entre huit et quatorze ans se trémousse, particulièrement hystérique sur les hymnes de "Nevermind". C'est pathétique. On dirait un concert de Vanilla Ice. Sauf que le chanteur raconte des histoires horribles que personne ne semble écouter. A la sortie du show, des rangées entières de Porsche, Ferrari. Chrysler et 4X4 abritent les parents anxieux attendant de pouvoir ramener leurs chérubins dans leurs douillets pavillons. Nous, on n'y comprend rien. Alors lui…

© Marc Zisman & Nicolas Ungemuth, 1994.

TBC